Bretagne : Chaud aux fesses



Noël approche à grands pas. Pour célébrer ce moment de joie et de partage à venir, j'ai voulu vous faire découvrir un conte.
Attention, il ne s'agit pas de n'importe quel conte : il s'agit de quelque chose d'inédit, écrit par une jeune auteure que je suis ravie de présenter ici : Séverine Rosaire.

Découvrez à présent, sans attendre l'histoire qu'elle a écrit pour nous aider à attendre Noël : Chaud aux fesses !

Le conte :

- Ça va pas ? t'es toute rouge !
- Ça va, c'est juste que j'ai chaud aux fesses.
- Ah ba oui, tu m'étonnes, je cuis moi aussi depuis tout à l'heure...
- Des fois j'en ai marre... On nous malmène tout le temps, on dirait qu'on ne compte pas, qu'on ne vaut pas mieux qu'une vieille chaussette.
- Arrête ! Tu ne devrais pas dire ça, ils nous aiment !
- Ah oui ? Et sinon, comment va ton nez, Rudolf?
Il pique un fard. C'est un coup bas, Chouquette le sait.
- Ils vont me le recoudre, j'en suis sûr, marmonne Rudolf.
C'est malin ! Maintenant que Chouquette le lui a fait remarquer, il ne voit plus que ça. Son petit nez sans pompon au milieu de la figure. Ironique pour un renne... Surtout pour un renne à nez rouge.
Mais il peut l'apercevoir d'ici. Il est posé sur la table de la cuisine depuis trois jours. Ce soir quand ils rentreront, ils vont me le recoudre, j'en suis sûr, essaie-t-il de se rassurer.
- Non mais regarde ce qui t'est arrivé ! C'est pas de l'amour, ça !
- C'était un accident, ils n'y sont pour rien...
- Le fait que le chien t'attrape, passe encore, même si je pense qu'ils auraient quand même pu l'éviter si tu comptais un minimum à leurs yeux, mais là Ruru, t'es resté deux jours et deux nuits à servir de casse-croûte à Taïss, c'est horrible !!!
Rudolf le sait bien. Il avait vraiment cru que c'en était fini de lui. 48h de cauchemar. Jusqu'à ce que Mila s'aperçoive de sa disparition. Ma chère petite Mila ! Elle m'aime, elle !
Mais Rudolf essaie autant que possible d'oublier cet épisode traumatisant. Bon évidemment, ça aiderait s'il ne lui manquait pas le nez au milieu de la figure...
- Purée, j'ai chaud aux fesses !
- Oui ça va, ça va, je te rappelle qu'on est tous les deux dans le même bateau, répond Rudolf, sentant lui aussi la brûlure cuisante qui lui remonte dans le derrière.
Il commence à en avoir marre des jérémiades de Chouquette. Ce dont il a besoin, c'est de positiver, d'un peu de magie, après tout, c'est Noël, non ?
- Moi je te le dis, t'es juste là pour faire joli. Dans quelques jours, tu repartiras moisir au fond de ton carton jusqu'à l'année prochaine, et tu ne manqueras à personne !
- Oh, ça va, arrête un peu, lui lance Rudolf, exaspéré, moi au moins, on ne m'a pas appelé "Chouquette"! C'est quoi ce nom ? En plus rien à voir avec Noël, lui lance-t-il avec mépris.
À peine a-t-il prononcé cette phrase, qu'il regrette aussitôt ses mots. Dans le même bateau, se répète-t-il, on est dans le même bateau...
- Excuse-moi, Chouquette. Je ne le pensais pas.
Chouquette ne dit plus rien. Elle observe les lumières clignotantes du sapin en silence.
- Fais pas la tête ! Tu me connais...
- Oui justement !
- On est bien là tous les deux, on n'a besoin de rien d'autre !
-Chut !!! Ils rentrent !

Rudolf et Chouquette s'immobilisent. Mila et Oscar se précipitent dans la maison, surexcités. On dirait qu'ils ont ramené quelques chose.
Maman va chercher sa caisse à outils et se dirige vers la cheminée.
Toujours muets, Rudolf et Chouquette se regardent, anxieux.
Maman a planté un clou. Papa la regarde avec un grand sourire en berçant bébé Hugo dans ses bras.
Oscar sort enfin tout fier quelque chose de son sac.
Non...
Ils n'ont pas osé...
Rudolf lance un regard paniqué à Chouquette. Elle aussi a compris.

Quelques heures plus tard, le feu crépite toujours dans la cheminée. Trois chaussettes de Noël forment un V juste au-dessus du foyer.
- Salut les copains!
Personne ne répond.
- Ça va ? Vous en faites une tête ! Moi c'est Flocon. Dites-donc, il fait chaud ici.
- Écoute petit, dit Rudolf en prenant l'accent du parrain. Ici, il va falloir que tu comprennes. Moi et Chouquette, on est là depuis bien longtemps. Si tu veux faire ta place ici, va falloir faire profil bas...
- Oh ça va, ça va, papy ! T'es quoi d'abord, toi ? Une chaussette ? Un Renne estropié ou quoi ?
Rudolf a déjà envie de balancer le petit nouveau dans la gueule de Taïss. Chouquette, elle, a pris un air mélancolique de chaussette suicidaire.
Un petit nouveau qui se prend pour un prince, Manquait plus que ça...
- Tu vois Rudolf, je te l'avais dit. C'est le début de la fin... On va nous mettre au grenier. Bientôt cette maison appartiendra à une bande de chaussettes bon marché made in China!
- Hé, ho ! Je peux vous entendre je vous signale, crie Flocon.
- Tu permets ? Le monsieur et la dame n'ont pas fini leur conversation !
"Il faudra aussi lui apprendre la politesse, tiens, rumine Chouquette.
- Dites, les gars, vous auriez pas un peu chaud aux fesses ?
- Oui, oui, c'est ça... Cause toujours...
Rudolf ne se reconnaît plus. Lui d'ordinaire doux comme un renne, semble pétrit d'angoisse et d'amertume.
Tout ça, ce doit être à cause de cette histoire de nez, se dit-il.
- Non mais, je ne plaisante pas, là ! J'ai vraiment vraiment chaud au derrière, c'est pas normal !
- Oui, ça va, ça va, on sait, tu vas t'y faire : ça s'appelle une cheminée. Et tu vas y passer une bonne partie de ta vie, figure-toi !
- D'ACCORD, cria soudain Flocon, MAIS ÇA Aussi, C'EST NORMAL ? PARCE QUE LÀ J'AI VRAIMENT VRAIMENT TROP TROP CHAUD AUX FEEEEESSSSSSSES !!!!!!
- Chouquette?
- Mmmm ?
- Je crois que le nouveau voisin a un problème.
- Mmmm ?
- Chouquette, ouvre les yeux s'il te plaît.
La belle chaussette chaude en laine vierge d'alpaga daigne enfin baisser les yeux sur Flocon.
- Ahhhh !!! Mais faut faire quelque chose !!! FLOCON A LE FEU AUX FESSES !
- Merci, j'avais remarqué, s'écrient en cœur Rudolf et le pauvre Flocon, à l'agonie...
- Taïss! Ici !!!
-Taïss ! Oui, oui... C'est bien mon chien, bon chien ! Viens manger la chaussette...
Le chien saisit le pied de Flocon dans sa gueule humide et le fait glisser au sol, avant de l'entraîner inexorablement vers l'antre du diable : son panier. L'incendie a été évitée de justesse.
- Quand même, tu crois qu'il va s'en sortir ? Demande Chouquette avec un vague sentiment de culpabilité. Il était pas si mauvais, le bougre... On a peut-être été un peu durs avec lui, non ?
- Mais oui, ça ira, la rassure Rudolf. C'est un dur à cuire. Et puis, avec ses cicatrices au derrière, il fait partie de la team maintenant !


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