Un soir, plus sombre et plus froid que les autres, les enfants s'égarèrent dans les ténèbres et ne surent retrouver le chemin de leur chaumière. Ils marchèrent longtemps en pleurant, le ventre criant famine et les pieds en sang, lorsqu'ils furent attirés par une lumière brillant dans le lointain. Ils s'approchèrent d'une maison de belle apparence et firent résonner le heurtoir.
- Qui est là ? gronda une grosse voix à l'intérieur.
- Nous sommes trois enfants égarés dans la forêt. Ouvrez-nous, pour l'amour de Dieu !
La porte s'ouvrit sur un homme grand et gras qui les invita à entrer en disant :
- Vous êtes ici chez vous, mes enfants ! Je suis boucher, et j'ai tout ce qu'il faut pour vous restaurer : du jambon et du saucisson, du salami et du pâté, du boudin et du bon jarret. Entrez et mangez !
Les enfants mangèrent de bon appétit, mais lorsqu'ils voulurent quitter leur hôte pour rejoindre leur mère, ce dernier se mit à hurler :
- Vous avez mangé toutes mes provisions ! A présent, je vais vous tuer !
Le boucher prit son grand couteau, égorgea les enfants, les coupa en morceaux et les mit au saloir.
Sept ans plus tard, le bon saint Nicolas vint à passer dans la région. Ce pieux évêque aimait les enfants sages et dociles, et les récompensait par des bonbons et des friandises qu'il tirait de la hotte que portait son âne. Fatigué par sa longue course, il alla frapper à la porte du boucher, qui l'accueillit en lui disant :
- Entez, vous êtes chez vous. Que voulez-vous pour votre souper ? Du poulet ou du canard ? Du veau froid ou du bœuf en gelée ?
Saint Nicolas répondit :
- Je ne veux ni poulet ni canard, ni veau froid ni bœuf en gelée. Donne-moi simplement ce que tu conserves dans ton saloir...
Une des visions traditionnelle de St-Nicolas |
- Saint Nicolas, j'ai bien dormi ! dit l'aîné en s'étirant.
- Et moi aussi ! dit le cadet.
- Et moi, je croyais être au paradis ! ajouta la petite sœur.
Voyant ce prodige, le boucher se mit à genoux devant le saint et supplia :
- Pardon ! Pardon, saint Nicolas !
- Je te pardonne, répondit le vieil homme, à condition que tu raccompagnes ces petits chez leur mère...
C'est depuis ce temps-là que le grand saint Nicolas est devenu, dans l'est et le nord de la France, le patron des enfants sages.
D'après Henry Carnoy
Littérature orale de la Picardie
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